Eglise Notre-Dame
EGLISE NOTRE-DAME d' Urville-Nacqueville

Chapelle de Nacqueville
Un patrimoine religieux reconstruit
Une âme retrouvée
Une église pour rassembler


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L'ŒUVRE D'HENRI MARTIN GRANEL
« SCULPTEUR VERRIER »
(1914-2008)

Henri Martin-Granel, architecte et maître verrier, a participé aux côtés d'architectes français parmi les plus célèbres de l'après-guerre, à la construction d'édifices monumentaux comme Notre-Dame de Royan, Notre-Dame de Bizerte et l'église du Sacré Cœur d'Alger, l'actuelle cathédrale. Véritable sculpteur, il a su donner au vitrail sa 3e dimension et a sans cesse renouvelé la façon de donner la lumière à des architectures tant civiles que religieuses. Ses recherches et réalisations, encore peu connues, marquent l'art du vitrail du XXe siècle.

L'APPROCHE DE DIFFERENTES LUMIERES

Henri Martin-Granel commence dès l'adolescence par sculpter l'ivoire et le bois et se familiarise avec la matière. La Seconde Guerre mondiale l'oblige à quitter l'Ecole des beaux-arts de Paris et à poursuivre ses études d'architecture à Marseille, en zone libre. C'est à Oppède, village du Lubéron, qu'il s'établit alors avec un groupe d'artistes dont les noms deviendront célèbres, parmi lesquels les architectes Jean Le Couteur, Zherfuss et Brodovitch, et les sculpteurs Spoerry et Etienne Martin. C'est au cours de la reconstruction de Notre-Dame de Bizerte en Tunisie, assurée dès 1950 par son ami Jean Le Couteur, qu'Henri Martin-Granel réalise ses premiers vitraux qui marqueront le début d'une longue carrière. Ses représentations figuratives s'inscrivent dans la pure tradition du vitrail médiéval, où chaque personnage occupe la totalité d'une lancette. L'ampleur de cette œuvre entièrement figurative, réalisée en pleine période abstraite, en fait sans doute un cas unique dans l'art du vitrail du XXe siècle. Pour exercer son art, Henri Martin-Granel se déplace sur ses premiers chantiers avec sa famille. C'est à chaque fois, outre la connaissance de contraintes particulières à l'architecture, l'apprentissage d'autres techniques de travail, la recherche d'une familiarité avec de nouvelles façons de vivre et d'apprivoiser d'autres lumières.

L'EXPRESSION D'UNE FOI

Henri Martin-Granel conçoit d'abord son art comme un « soutien à la méditation et à la prière, non comme un objet de curiosité. » Son action consiste à « regarder la pierre, le bois, le verre ou le béton, puis à méditer et à retirer simplement ce qu'il y a en trop ». Son œuvre est l'expression d'une foi profonde qui le conduit à chercher le Beau. Pour un programme iconographique, l'artiste retient un passage de l'Ecriture ou d'un psaume pour le guider tout au long de son travail. A Urville-Nacqueville où il réalise les 50 verrières de la nouvelle église construite en 1960 par l'architecte F. Champart, l'arbre de Jessé situé dans la chapelle sud-ouest se prolonge dans la nef par des ramifications qui prennent fa forme de branches de pommiers de Normandie. Ces ramifications prennent au niveau du chœur des couleurs de plus en plus chaudes. Dans la succession des saisons, elles mènent à la Vierge présentant dans ses bras le Christ, représenté ici en noir. Comme pour ses autres chantiers, l'artiste offre le vitrail de la Vierge.

CHERCHER A « EPUISER LE CHAMP DU POSSIBLE » - LE TRAVAIL DE LA MATIERE

Pour ses dalles de verre, Henri Martin-Granel a toujours préféré la production nuancée d'un artisan à celle des grands manufacturiers. Albertini, dont l'atelier fut créé dans la Région parisienne dans les années 1920, lui fournira les verres pour la plupart de ses chantiers, dont celui d'Urville-Nacqueville. Taillés comme des pierres précieuses, les dalles de verre offrent ainsi plusieurs plans qui jouent différemment avec la lumière. Henri Martin-Granel se servira aussi de la laitance de ciment appliquée sur le verre et la technique de l'enlevé pour offrir de nouvelles possibilités dans la recherche de la précision et du raffinement. A l'aide d'une brosse, cette « peinture au ciment » lui permet de cerner les formes et de rendre le modelé, notamment des personnages.

Henri Martin-Granel introduit pour la première fois dans l'histoire du vitrail, des verres placés de champ, c'est à dire perpendiculairement au plan de la verrière. Des verres « cathédrale » sont disposés selon ce principe pour représenter le plus souvent l'Eau, si présente dans la symbolique chrétienne. Le scintillement et l'éclat du verre disposé ainsi, sa taille, donnent aux matériaux même de nouvelles façons d'appréhender, de diffuser et de transformer la lumière. Utilisée à Urville-Nacqueville pour la verrière du poisson, cette nouvelle technique lui vaut d'être retenu en 1956 pour l'église Notre-Dame de Royan, oeuvre majeure du XXème siècle de l'architecte G. Gillet, premier grand prix de Rome, et de l'ingénieur B. Lafaille.

La troisième dimension est aussi donnée au vitrail lorsque Henri Martin-Granel donne volume et forme au béton ou utilise la formule du claustra en brique creuse. Selon l'angle de vue et le parcours du soleil, la lumière colorée se révèle de façon directe ou par projection sur les nervures en béton ou la terre cuite, subissant ainsi une seconde transformation. La formule du claustra, l'artiste la développe d'abord à l'image des moucharabiehs pour l'église du Sacré-Cœur d'Alger (actuelle cathédrale) construite de 1958 à 1961 par les architectes P. Herbe et J. Le Goûteur. Les grandes figures isolées s'inscrivent dans une trame de briques qui fait alors partie intégrante de l'architecture.

Henri Martin-Granel s'inscrit en pleine époque abstraite dans la tradition du vitrail figuratif. « Sculpteur verrier », il a su donner de manière magistrale la troisième dimension au vitrail. L'artiste et homme de foi s'est éteint cet été 2008 à Sauve dans le Gard où se trouve encore son atelier. Son fils François rapportait dans une note écrite du vivant de son père, que son attitude est « celle qui consiste à faire que le séjour sur la Terre soit le moins inutile possible, à aménager l'espace disponible afin de rendre possible l'intelligence des choses ». Les verrières d'Urville-Nacqueville sont aujourd'hui sauvées, et avec elles la reconnaissance méritée de l'œuvre de toute une vie.

Rémi Desalbres, architecte du patrimoine

In Mémoriam, octobre 2008

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